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Entretien avec Klaus Regling aux Les Echos

ESM
Entretien avec Klaus Regling, le directeur de Mécanisme européen de stabilité
Les Echos, 16 Novembre 2018
Par Catherine Chatignoux
Langue originale: anglais
 
Les Echos : Êtes-vous optimiste sur les chances d'un accord global, en décembre, incluant l'Union bancaire et le renforcement de la zone euro ?

Klaus Regling : On y travaille dur. Il y a une réunion spéciale de l'Eurogroupe lundi et on a eu des meetings techniques presque chaque semaine à Bruxelles depuis cet été. Je pense qu'il est possible d'obtenir un accord sur plusieurs sujets qui sont sur la table des ministres. Il s'agit de compléter l'Union bancaire avec la mise en place d'un backstop du fonds de résolution unique qui permettra de protéger les contribuables en cas de faillite bancaire, de lancer les discussions sur un système européen d'assurance des dépôts bancaires et de renforcer le rôle du Mécanisme européen de stabilité (MES).

En cas de faillite bancaire, comment fonctionnera ce backstop et quand sera-t-il opérationnel ?

Depuis juin, nous nous sommes mis d'accord sur le fait qu'il sera abrité par le MES. Son montant sera équivalent à celui du fonds de résolution unique qui est le dispositif de réserves constitué par des contributions des banques.Il devrait atteindre 1 % des dépôts bancaires à la fin de 2023, soit 55 à 60 milliards d'euros. Le recours à ce filet de sécurité dans le cas où le fonds de résolution des banques serait insuffisant doit être décidé très rapidement, même si les Parlements de certains pays doivent être consultés. Les gouvernements ont assuré que cette décision pourra être prise en un week-end. Reste à décider la date à laquelle le backstop sera opérationnel : au plus tard en 2024 et peut-être plus tôt mais il faut d'abord modifier le traité sur le MES. Par ailleurs, il y a des Etats membres qui réclament au préalable une réduction du risque bancaire.

Quel rôle supplémentaire sera confié au MES à l'avenir ?

Il jouera un rôle plus important dans la gestion des futures crises financières aux côtés de la Commission européenne. Au début de la crise, il y a eu la troïka, composé de la Commission, de la BCE et du FMI qui s'est transformée en quartet quand s'est greffé le MES en 2015 avec le troisième programme grec. A l'avenir, c'est principalement un tandem formé par la Commission et le MES qui gérera les programmes d'assistance aux pays en difficulté financière. Le FMI et la BCE joueront un rôle moins important qu'il y a huit ans. Ce changement se fait à la demande des Etats membres. La Commission restera maître du jeu dans la surveillance budgétaire, dans l'analyse des réformes structurelles telles que celles des marchés du travail, de l'énergie et des retraites.

Quelle expertise apportera le MES ?

Nous apporterons notre connaissance des marchés financiers. L'an dernier, nous avons émis 61 milliards d'euros de bons donc on peut apporter une valeur ajoutée dans la gestion des dettes, l'accès aux marchés financiers et la stabilité financière. On peut se compléter avec la Commission. Si on prend l'exemple de la Grèce, dont le MES détient plus de la moitié de la dette, soit plus que 200 milliards d'euros, les Etats membres veulent s'assurer qu'ils seront bien remboursés au cours des prochaines décennies. Nous travaillons avec la Commission dans cet objectif en plein respect pour ses prérogatives.

Réfléchissez-vous aussi à la façon dont les instruments de prévention du MES pourraient être simplifiés ?

Oui, nous proposons d'améliorer deux instruments qui n'ont pas été utilisés jusqu'ici. L'un, le PCCL est prévu pour accorder des liquidités à un pays frappé par un choc économique externe et dont les comptes publics sont sains et qui n'a pas de problèmes réels. A l'avenir, il sera plus facile à activer. Pour les pays qui ont des problèmes nous avons un autre outil, le ECCL, qui restera lié à des conditionnalités.

Il a été question à un moment des discussions de restructuration automatique de dette. Est-ce toujours à l'ordre du jour ?

Non, il n'est plus question d'automaticité. Mais quand un pays fait une demande pour un prêt, sa dette fait l'objet d'une analyse de soutenabilité qui permet de voir s'il sera capable de rembourser le prêt. C'est le traité du MES qui nous oblige de faire ça. La question de l'automaticité a été sur la table il y a quelques années, quelques Etats ayant suggéré de rallonger automatiquement la maturité d'une dette en cas de prêt du MES. Mais cette option a été écartée.

La réforme des clauses d'action collective a-t-elle été également abandonnée ?

C'est un sujet dont on débat. Il y a des propositions du FMI et de l'industrie pour modifier ces clauses. Elles ont déjà été changées une fois en 2012 pour faciliter la prise de décision de restructuration, entre les détenteurs de dette. Il pourrait y avoir une étape supplémentaire.

Si aujourd'hui un pays endetté veut emprunter au MES, pourriez-vous lui demander de restructurer sa dette ?

Dans ce cas, on présenterait l'analyse de soutenabilité à l'Eurogroupe, qui devrait trancher. Si la dette n'est pas soutenable, un cas qui n'existe pas actuellement dans la zone euro, alors la restructuration serait nécessaire.

Le risque ne pourrait-il pas se présenter pour l'Italie si le pays ne pouvait plus se financer ?

Le fait qu'un pays perde l'accès au marché financier ne signifie pas qu'il doive restructurer sa dette. Regardez l'Irlande, le Portugal et Chypre qui ont traversé une crise de liquidités dans les années 2010. La Grèce était un cas différent et en 2012, il est devenu inévitable de restructurer sa dette. Pour l'Italie, la question ne se pose pas : elle n'a pas perdu l'accès au marché.

Bruno Le Maire juge que la zone euro n'est pas aujourd'hui prête à supporter une nouvelle crise. Qu'en pensez-vous ?

Nous sommes beaucoup mieux équipés qu'en 2008, au moment de la crise financière internationale, mais on peut encore améliorer le système. On dispose du MES, de l'Union bancaire et la plupart des pays de la zone euro ont réglé leurs problèmes d'où le fait qu'aujourd'hui, la crise en Italie n'a eu que très peu de contagion.

Reste une dernière brique à poser pour l'Union bancaire : l'assurance unique des dépôts des épargnants, dont Berlin ne veut pas. Verra-t-elle le jour ?

Il n'y a pas de consensus sur ce point aujourd'hui. Tout le monde est d'accord pour dire que cet instrument est utile et existera un jour mais les Etats divergent sur les conditions préalables. Celles-ci sont liées au risque du système bancaire qui, dans quelques cas, renferme encore trop de prêts non-performants et la proportion trop grande de titres de dette souveraine dans les bilans des banques de quelques pays.

La mise en place d'un budget de la zone euro tel que le souhaite Emmanuel Macron est-elle encore possible ?

Les questions liées à la création d'une capacité budgétaire pour la zone euro ne sont pas très consensuelles. Les Etats membres sont encore divisés. Certains refusent même l'utilité d'un tel fonds pour la zone euro. De toute façon, je pense qu'un budget de la zone euro ne pourra voir le jour que dans le cadre du futur budget pluriannuel de l'Union européenne qui démarre en 2021.

Diriez-vous que les ministres des Finances partagent aujourd'hui l'idée d'une plus grande solidarité pour que la zone euro fonctionne mieux ?

Je n'emploierai pas cette expression de solidarité mais je suis convaincu qu'on doit réfléchir à des instruments budgétaires additionnels pour stabiliser les économies. Dans ce large espace économique, les Etats ont renoncé à une politique monétaire propre. Pour autant, selon moi, il n'est pas urgent d'avoir des transferts permanents additionnels car il y en a déjà dans le cadre du budget de l'UE.

Que proposez-vous ?

Je propose plutôt un mécanisme qui stabilise les économies avant que de petits problèmes se transforment en gros problèmes. Il y a beaucoup d'idées sur la table : le budget de la zone euro, le mécanisme de stabilisation des investissements proposé par la Commission, l'assurance chômage, le « rainy day fund », les prêts à maturité courte du MES. Chacun de ces outils a sa raison d'être mais ils répondent tous à la même logique. Pour moi, en tant qu'économiste, je pense qu'on pourrait les avoir tous sous la main et y recourir en fonction du problème à résoudre.
 
 

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